L’inauguration récente du cabinet me mène tout naturellement à consacrer ce premier article à une des mesures fiscales de soutien aux jeunes PME récemment adoptées par le législateur (loi-programme du 10 août 2015, M.B. 18 août 2015) : le « tax shelter » destiné aux entreprises débutantes (nouvel article 145/26 du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 1992)).
Le « tax shelter » destiné aux PME débutantes est une réduction d’impôts de 30 à 45% accordée aux personnes physiques qui investissent directement ou indirectement dans certaines sociétés (1).
Cette mesure permet aux PME débutantes de drainer vers elles des capitaux à risque et de réduire et/ou de faciliter le recours à de l’endettement pour financer leurs activités.
Modalités et conditions à remplir pour bénéficier du « tax shelter »
Mesure réservée aux investisseurs personnes physiques – Seules les personnes physiques assujetties à l’impôt des personnes physiques ou à l’impôt des non-résidents / personnes physiques peuvent bénéficier de cette réduction d’impôts.
Investissement dans des sociétés débutantes – La réduction d’impôts est accordée pour des investissements en capital dans des sociétés débutantes. Une société est dite débutante à partir de sa constitution jusqu’à sa quatrième année d’existence. Par conséquent, l’investissement devra intervenir lors de la constitution de la société ou à l’occasion d’une augmentation de capital intervenant dans les quatre années suivant sa constitution.
Souscription – La souscription doit concerner des nouvelles actions ou parts émises par des PME débutantes à partir du 1er juillet 2015. Ces actions et parts doivent en outre être entièrement libérées par leur souscripteur.
La souscription peut être directe ou indirecte. En cas de souscription directe, l’investisseur souscrit aux actions ou parts sans intermédiaire ou via une plateforme de crowdfunding agréée par la FSMA. En cas de souscription indirecte, l’investisseur investit dans des parts nominatives d’un « fonds starters » disposant également d’un agrément auprès de la FSMA. Ce fonds sera le souscripteur des actions ou parts nouvellement émises par les entreprises débutantes.
Exclusions – Seuls les investissements dans les actions et parts nouvellement émises sont éligibles au « tax shelter ». Les investissements dans d’autres instruments financiers tels que des obligations, des options, des warrants ou encore des actions existantes ne peuvent en bénéficier.
Certaines sociétés sont par ailleurs exclues du bénéfice du « tax shelter » (2).
Une autre exception d’importance concerne les dirigeants d’entreprise visés à l’article 32 du CIR 1992. Le législateur considère qu’ils n’ont pas besoin d’incitants fiscaux pour investir dans leur propre entreprise. Ils sont dès lors exclus du bénéfice de la mesure, que l’investissement s’effectue directement par leurs soins ou via un fonds starters. L’exclusion vaut également lorsque l’investisseur exerce, en tant que représentant permanent d’une autre société, un mandat d’administrateur, de gérant, de liquidateur ou une fonction analogue dans la société dans laquelle il investit ou encore lorsqu’il a conclu un contrat d’entreprise ou de mandat avec une autre société dont il est actionnaire et par laquelle cette autre société s’est engagée à assumer, moyennant une indemnité, une activité dirigeante de gestion journalière, de nature commerciale, financière ou technique, dans la PME débutante. Ces exclusions ne visent toutefois pas les membres de la famille du dirigeant d’entreprise.
Condition de durée de détention – Une des conditions principales permettant à l’investisseur de bénéficier du « tax shelter » est que celui-ci détienne ses actions ou parts pendant au moins 4 ans après son investissement. Cette condition vise tant l’investisseur direct que celui qui investit via un fonds starters.
Plafonds par investisseur – Le bénéfice de la mesure est limité à un investissement de 100.000 EUR par exercice imposable. Par ailleurs, le montant investi par une personne au titre du « tax shelter » dans le capital d’une PME débutante ne peut excéder 30% dudit capital. Au-delà de ce pourcentage, et dans la mesure du dépassement, l’investisseur ne pourra plus bénéficier du « tax shelter ».
Plafond dans le chef de la PME – Une PME débutante ne peut collecter plus de 250.000 EUR au titre d’investissement bénéficiant du « tax shelter ». Ce plafond vaut pour toute la durée de son existence.
Limitations quant à l’utilisation des montants perçus – La PME débutante ne peut utiliser les capitaux levés via le mécanisme du « tax shelter » pour procéder à une distribution de dividendes, acquérir des actions d’autres sociétés ou pour consentir des prêts.
Avantage fiscal accordé aux investisseurs
Réduction d’impôts – Une réduction d’impôt correspondant à 30% des sommes investies est octroyée aux investisseurs. Cette réduction est même portée à 45% pour les personnes qui prennent part au capital de très petites entreprises (3). Ce dernier pourcentage ne s’applique toutefois pas aux investissements effectués via des fonds starters.
Formalités – Pour pouvoir bénéficier de la réduction d’impôts, l’investisseur devra joindre à sa déclaration fiscale les documents démontrant qu’il remplit les conditions lui permettant de bénéficier de la réduction d’impôts, en ce compris la preuve de l’acquisition des actions ou parts et la preuve qu’il les détient toujours à la fin de la période imposable. Pour les exercices imposables suivants, il devra démontrer qu’il est toujours titulaires des actions ou parts pour que l’avantage fiscal puisse être maintenu.
(1) Sociétés belges ou établies dans l’espace économique européen et disposant d’un établissement stable en Belgique et répondant à la définition de petite société au sens de l’article 15 du Code des sociétés : Les petites sociétés sont les sociétés dotées de la personnalité juridique qui, pour le dernier [et l’avant-dernier] exercice clôturé, ne dépassent pas plus d’une des limites suivantes :
– nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle : 50;
– chiffre d’affaires annuel, hors taxe sur la valeur ajoutée : 7.300.000 euro;
– total du bilan : 3.650.000 euro;
sauf si le nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle, dépasse 100.
(2) Les sociétés constituées à l’occasion d’une fusion ou scission de sociétés ; les sociétés d’investissement, de trésorerie ou de financement; les sociétés qui tirent une part essentielle de leurs revenus de l’immobilier ; les sociétés dans lesquelles sont logés des immeubles (ou d’autres droits réels sur ce type de biens) dont un dirigeant d’entreprise, son conjoint ou ses enfants mineurs non émancipés ont l’usage; les sociétés constituées afin de conclure des contrats de gestion ou de direction ou qui obtiennent la plupart de ces bénéfices de contrats de gestion ou de direction ; les sociétés cotées en bourse ;les sociétés ayant déjà opéré une diminution de capital ou une distribution de dividendes ; les sociétés faisant l’objet d’une procédure collective d’insolvabilité ou qui ne se trouvent pas dans les conditions d’une procédure collective d’insolvabilité.
(3) Une société entre dans la catégorie des très petites entreprises si elle ne dépasse pas plus d’un des critères suivants durant la période imposable : (i) chiffre d’affaires annuel hors TVA de EUR 700.000, (ii) total de bilan de EUR 350.000 et (iii) moyenne des travailleurs occupés durant l’année : 10.
© Sylvain Lemaire – Sous réserve des exceptions légales, toute reproduction sans l’accord préalable et explicite de l’auteur est prohibée.
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