Mise en situation : vous recevez une demande de renseignements de la part de l’administration fiscale. Votre contrôleur y sollicite quelques informations et demande que vous lui fournissiez des documents. Vous vous rendez au bureau de contrôle afin d’y déposer vos réponses et les documents demandés et vous en demandez un accusé de réception. Vous y rencontrez votre contrôleur qui vous pose des questions orales.
Comment réagir à ces actes d’investigation (demandes de renseignements écrite et verbale) dans le respect de la procédure fiscale, tout en préservant vos droits et vos intérêts?
(Notre conseil en fin d’article)
Note préliminaire : Les développements qui suivent ne sont pertinents que si la base légale invoquée par l’administration pour vous demander des renseignements est l’article 316 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après « C.I.R. 1992 »)[1].
La première réaction qu’il convient d’avoir face à une demande de renseignements fondée sur l’article 316 C.I.R. 1992 est d’analyser les questions qui vous sont posées et de les répartir en deux catégories. L’administration a en effet l’habitude d’y solliciter la communication écrite d’informations (catégorie 1) et de demander de lui faire parvenir des documents (catégorie 2).
Catégorie 1 : communication écrite d’informations
Obligation de répondre – Pour ce qui concerne les demandes de la première catégorie, vous êtes en principe légalement tenu d’y répondre, sous peine de sanctions (procédure d’imposition d’office, amendes administrative et/ou pénales).
Délai de réponse – Vous devez envoyer vos réponses datées et signées dans un délai d’un mois calculé à partir du troisième jour suivant la date d’envoi mentionnée sur la demande de renseignements. Ce délai peut être prolongé sur demande dûment motivée adressée à votre bureau de contrôle avant la fin du délai originaire.
Que répondre ? – Dans la plupart des cas, il est préférable que vos réponses se limitent aux seules informations sollicitées. Il est en effet courant que des réponses trop longues soient sujettes à des interprétations multiples ou génèrent des confusions qui desservent in fine les intérêts du contribuable. Il vous est toutefois loisible de signaler à l’administration que vous êtes disposé à préciser ou développer davantage votre réponse, si elle vous le demandait dans une nouvelle demande de renseignements.
N’agissez pas seul – Dans tous les cas de figure, nous ne saurions que vous conseiller de vous faire assister dans la rédaction de vos réponses. Votre avocat fiscaliste vous aidera à identifier ce que recherche l’administration fiscale (la question fiscale sous-jacente) et à ne répondre que ce qui est strictement nécessaire ou pertinent, le cas échéant après être allé consulter votre dossier fiscal.
Catégorie 2 : communication de documents
Demande sans fondement légal – Pour ce qui concerne les demandes de la seconde catégorie, il convient avant tout de souligner que l’administration ne dispose pas, dans le cadre de l’article 316 C.I.R. 1992, du droit de vous demander de lui communiquer des documents.
Nuance apportée par la Cour de Cassation – Pour être plus précis, l’administration a le droit de vous inviter à lui communiquer volontairement de tels documents mais elle ne peut pas vous y contraindre. La Cour de cassation a en effet arrêté[2] que le fait de menacer de sanctions (administratives ou pénales) le contribuable qui ne communiquerait pas les documents demandés est constitutif d’une contrainte rendant illégale l’obtention desdits documents.
L’administration vous menace-t-elle de sanctions ? – Il convient dès lors d’examiner la demande de renseignements afin d’identifier si des sanctions sont évoquées dans l’hypothèse où vous n’obtempéreriez pas à la demande de l’administration. Tel sera le cas si, par exemple, la demande de renseignements que vous avez reçue attire votre attention ou vous menace de sanction par application d’un certain nombre d’articles du C.I.R. 1992 défavorables au contribuable si vous ne vous conformez pas, seulement partiellement ou hors délai à la demande. Citons, par exemple, les articles 351 et 352 C.I.R. 1992 relatifs à l’application de la procédure d’imposition d’office (moins avantageuse pour le contribuable que la procédure de rectification normalement applicable), l’article 445 C.I.R. 1992 relatif aux amendes administratives, les articles 449 et 450 C.I.R. 1992 relatifs aux sanctions pénales.
Comment réagir si vous êtes confronté à cette catégorie de demandes ? – Deux options s’offrent à vous. Vous pourriez refuser purement et simplement de fournir les documents en invoquant, le cas échéant, la jurisprudence de la Cour de cassation. Ce n’est toutefois peut-être pas le choix le plus judicieux, étant donné que l’administration pourra obtenir ces documents (voire même les emporter) en se déplaçant chez vous sur la base des articles 315 à 315ter C.I.R. 1992. La seconde option est de leur transmettre les documents demandés et, si la procédure aboutit à une rectification, de contester plus tard dans la procédure (idéalement au stade de la procédure judiciaire) la validité procédurale des éléments recueillis qui ont servi à rectifier votre situation fiscale. Vous pourriez également ne répondre à cette partie de la demande de renseignements qu’après que le délai de réponse à la demande de renseignements ne soit échu, espérant de ce fait que l’administration appliquera à tort la procédure d’imposition d’office et que vous pourrez en obtenir l’annulation devant le Tribunal de première instance.
Envoi des réponses aux demande des deux catégories
Par recommandé avec accusé de réception – Nous vous conseillons toujours d’envoyer vos réponses et, le cas échéant, les documents demandés par courrier recommandé avec accusé de réception.
Mise en garde si vous décidez d’aller déposer vos réponses directement auprès de votre bureau de contrôle – Rien ne vous empêche de vous rendre auprès de votre bureau de contrôle pour y déposer vos réponses et/ou les documents demandés contre accusé de réception.
Dans ce cas toutefois, il convient dans ce cas d’être attentif à ce qui suit.
Le silence est d’or – Il n’est pas rare que des contrôleurs vous proposent d’entrer dans leur bureau pour vous délivrer l’accusé de réception convoité. Ils tirent alors parfois profit de cette situation en territoire ennemi pour vous poser de manière plus ou moins insistante des questions additionnelles ou encore solliciter des explications ou des précisions oralement, comme l’article 316 C.I.R. 1992 les y autorise.
Si vous vous trouvez confronté à pareille situation, nous vous invitons à garder à l’esprit la formule issue de la jurisprudence de la Cour suprême des Etats-Unis (U.S. Supreme Court, Miranda v. Arizona, No. 759, 13 juin 1966) et distillée à foison dans les films et séries policières américaines : vous avez le droit de garder le silence, tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous. En effet, si l’article 316 C.I.R. 1992 autorise le fisc à vous poser des questions oralement, vous n’êtes certainement pas tenu d’y répondre sur l’instant. Vous devez pouvoir disposer d’un délai raisonnable pour élaborer votre réponse. Si vous choisissez d’y répondre immédiatement, vos réponses seront plus que vraisemblablement consignées dans un procès-verbal qui aura valeur de preuve dans le cadre de la procédure fiscale dont vous faites l’objet.
Nous conseillons dès lors toujours de demander au contrôleur (ou aux contrôleurs) qui tenterai(en)t de vous mettre insidieusement sous pression pour obtenir une réponse immédiate de vous adresser ses questions par écrit et que vous y répondrez par écrit dans le délai légal, ou alors lui signaler que vous répondrez par écrit à ses question orales lorsque vous aurez eu le temps de préparer des réponses adéquates et informées.
Conclusion : un exercice jamais anodin
La demande de renseignements (écrite ou orale) est généralement le premier acte d’investigation de l’administration fiscale auquel un contribuable est confronté. Y apporter une réponse adéquate, conforme au droit et ne mettant – autant qu’il est possible – pas en péril les intérêts du contribuable n’est pas un acte anodin. Cela requiert de disposer d’une connaissance approfondie de la procédure fiscale et du droit fiscal. Nous ne saurions que conseiller au contribuable confronté à une telle demande de se faire assister par conseil qui pourra l’accompagner tout au long de la procédure.
[1] Cet article énonce : sans préjudice du droit de l’administration de demander des renseignements verbaux, toute personne passible de l’impôt des personnes physiques, de l’impôt des sociétés, de l’impôt des personnes morales et de l’impôt des non-résidents a l’obligation, lorsqu’elle en est requise par l’administration, de lui fournir, par écrit, dans le mois à compter du troisième jour ouvrable qui suit l’envoi de la demande, ce délai pouvant être prolongé pour de justes motifs, tous renseignements qui lui sont réclamés aux fins de vérifier sa situation fiscale.
[2] Cassation, 21 novembre 2014, F.13.0159.N, http://jure.juridat.just.fgov.be/.
Attention : les informations reprises dans le présent article ne sont pas constitutives d’un conseil individualisé. Nous ne pouvons aucunement être tenu responsables des conséquences de la mise en œuvre des conseils qu’il contient si celles-ci s’avéraient préjudiciables au lecteur qui ne nous aurait pas contacté au préalable et auquel nous n’aurions pas prodigué un conseil individualisé.
© Sylvain Lemaire – Sous réserve des exceptions légales, toute reproduction sans l’accord préalable et explicite de l’auteur est prohibée.
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